L'age d'Aicha: Difference between revisions

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==Points de vue académiques modernes==
==Points de vue académiques modernes==
===Provenance et datation des hadiths sur l'âge du mariage===
===Provenance et datation du hadith sur l'âge du mariage===
La recherche académique la plus complète concernant les hadiths se rapportant à l’âge du mariage d’Aicha a été réalisée par le Dr Joshua Little pour sa thèse de doctorat en 2022.<ref>Joshua Little (2022) ''The Hadith of ʿAʾishah's Marital Age: A Study in the Evolution of Early Islamic Historical Memory'', PhD thesis, Oxford University
La recherche académique la plus complète concernant le hadith se rapportant à l’âge du mariage d’Aicha a été réalisée par le Dr Joshua Little pour sa thèse de doctorat en 2022.<ref>Joshua Little (2022) ''The Hadith of ʿAʾishah's Marital Age: A Study in the Evolution of Early Islamic Historical Memory'', PhD thesis, Oxford University
It is available on his blog together with very useful diagrams of the reported isnads and matns: [https://islamicorigins.com/the-unabridged-version-of-my-phd-thesis/ The Unabridged Version of My PhD Thesis]  by Joshua Little - Islamicorigins.com - 7 March 2023
It is available on his blog together with very useful diagrams of the reported isnads and matns: [https://islamicorigins.com/the-unabridged-version-of-my-phd-thesis/ The Unabridged Version of My PhD Thesis]  by Joshua Little - Islamicorigins.com - 7 March 2023
See alternatively: [https://islamicorigins.com/a-summary-of-my-phd-research/ A Summary of my PhD Research] by Joshua Little - Islamicorigins.com - 25 February 2023</ref><ref>See also this lecture by Dr. Joshua Little entitled [https://www.youtube.com/watch?v=zr6mBlEPxW8&t=2s The Hadith of ʿAʾishah's Marital Age: A Study in the Evolution of Early Islamic Historical Memory] - youtube.com, 26 February 2023</ref> Un outil important dans l’analyse académique moderne des hadiths largement transmis est l’ICMA (isnad-cum-matn Analysis). L'<nowiki/>''isnad'' est la chaîne de transmission attribuée à un récit particulier et le ''matn'' est son libellé. Dans l’ICMA, les groupes d’isnad convergents d’un hadith sont comparés à des groupes de variation dans les matns pour voir dans quelle mesure ils sont corrélés les uns avec les autres. Souvent, cela conduit à l’identification d’un ou plusieurs ''liens communs'' c.-à-d. la personne à partir de laquelle les transmissions d’un matn commencent d’abord à se ramifier, même si la chaîne peut se poursuivre par un seul élément avant cette personne.<ref>See Chapter 1 of Dr Little's thesis for a detailed explanation.</ref> La technique est utile pour dater le moment où un hadith a commencé à circuler et pour identifier qui aurait pu le formuler de cette manière, sans toutefois qu’il soit nécessaire qu’il y ait un lien historique aux événements qui y sont rapportés. Le Dr Little a exposé 21 raisons pour lesquelles les hadiths sont connus pour être très peu fiables dans un sens historique par la recherche académique moderne.<ref>This is useful preparatory viewing for Dr Little's Aisha lecture: [https://www.youtube.com/watch?v=Bz4vMUUxhag Oxford Scholar Dr. Joshua Little Gives 21 REASONS Why Historians are SKEPTICAL of Hadith] - youtube.com February 2023</ref>
See alternatively: [https://islamicorigins.com/a-summary-of-my-phd-research/ A Summary of my PhD Research] by Joshua Little - Islamicorigins.com - 25 February 2023</ref><ref>See also this lecture by Dr. Joshua Little entitled [https://www.youtube.com/watch?v=zr6mBlEPxW8&t=2s The Hadith of ʿAʾishah's Marital Age: A Study in the Evolution of Early Islamic Historical Memory] - youtube.com, 26 February 2023</ref> Un outil important dans l’analyse académique moderne des hadiths largement transmis est l’ICMA (isnad-cum-matn Analysis). L'<nowiki/>''isnad'' est la chaîne de transmission attribuée à un récit particulier et le ''matn'' est son libellé. Dans l’ICMA, les groupes d’isnad convergents d’un hadith sont comparés à des groupes de variation dans les matns pour voir dans quelle mesure ils sont corrélés les uns avec les autres. Souvent, cela conduit à l’identification d’un ou plusieurs ''liens communs'' c.-à-d. la personne à partir de laquelle les transmissions d’un matn commencent d’abord à se ramifier, même si la chaîne peut se poursuivre par un seul élément avant cette personne.<ref>See Chapter 1 of Dr Little's thesis for a detailed explanation.</ref> La technique est utile pour dater le moment où un hadith a commencé à circuler et pour identifier qui aurait pu le formuler de cette manière, sans toutefois qu’il soit nécessaire qu’il y ait un lien historique aux événements qui y sont rapportés. Le Dr Little a exposé 21 raisons pour lesquelles les hadiths sont connus pour être très peu fiables dans un sens historique par la recherche académique moderne.<ref>This is useful preparatory viewing for Dr Little's Aisha lecture: [https://www.youtube.com/watch?v=Bz4vMUUxhag Oxford Scholar Dr. Joshua Little Gives 21 REASONS Why Historians are SKEPTICAL of Hadith] - youtube.com February 2023</ref>


Après une recherche approfondie des versions disponibles (plus de 200) des hadiths liés à l’âge du mariage d’Aicha, Little a effectué une ICMA pour identifier un petit nombre de liens communs dont il pouvait reconstruire les matns, alors que d’autres pouvaient être rejetés en raison de matns contradictoires ou disparates qui leur sont attribués, et qui, à leur tour, présentaient une série d'autres problèmes. Diverses attributions à un seul élément sont également considérées comme douteuses.
Après une recherche approfondie des versions disponibles (plus de 200) du hadith lié à l’âge du mariage d’Aicha, Little a effectué une ICMA pour identifier un petit nombre de liens communs dont il pouvait reconstruire les matns, alors que d’autres pouvaient être rejetés en raison de matns contradictoires ou disparates qui leur sont attribués, et qui, à leur tour, présentaient une série d'autres problèmes. Diverses attributions à un seul élément sont également considérées comme douteuses.


Outre Hisham b. 'Urwa (mort en 146 AH), qui était le petit-neveu d'Aicha et dont le récit est le plus largement transmis, Muhammad b. 'Amr (mort en 144 AH) est l'autre lien commun médinois reconstructible, bien que, comme Hisham, il ait déménagé en Irak et semble simplement ajouter une des versions du hadith d’Hisham à un autre récit. Les autres premiers liens communs sont trois habitants de Koufa (en Irak) qui sont morts entre 146-160 AH. Bien qu'il soit possible qu'un ou plusieurs autres récits remontent à Aicha elle-même, cela ne peut être démontré sur une base de l’ICMA.<ref>pp. 397-99 of Dr Little's thesis</ref>
Outre Hisham b. 'Urwa (mort en 146 AH), qui était le petit-neveu d'Aicha et dont le récit est le plus largement transmis, Muhammad b. 'Amr (mort en 144 AH) est l'autre lien commun médinois reconstructible, bien que, comme Hisham, il ait déménagé en Irak et semble simplement ajouter une des versions du hadith d’Hisham à un autre récit. Les autres premiers liens communs sont trois habitants de Koufa (en Irak) qui sont morts entre 146-160 AH. Bien qu'il soit possible qu'un ou plusieurs autres récits remontent à Aicha elle-même, cela ne peut être démontré sur une base de l’ICMA.<ref>pp. 397-99 of Dr Little's thesis</ref>
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Après avoir conclu qu’Hisham était responsable de l’histoire composée dans le hadith dont tous les autres dérivent finalement, Little a poursuivi en affirmant qu’Hisham avait entièrement inventé l’histoire, y compris les versions plus longues et la lettre de 'Urwa. Hisham a été accusé d’être un transmetteur peu fiable après son arrivée en Irak où le hadith sur sa grand-tante aurait été utile là-bas. En effet, la virginité d’Aicha au moment de son mariage et son statut d’épouse préférée de Muhammad étaient une caractéristique fondamentale des polémiques proto-sunnites contre les proto-chiites, en particulier à Koufa où ces derniers étaient dominants, et le hadith d’Hisham a dû y être très bien accueilli puisqu’il a été immédiatement incorporé dans ce matériel proto-sunnite koufan sur les vertus d’Aicha.
Après avoir conclu qu’Hisham était responsable de l’histoire composée dans le hadith dont tous les autres dérivent finalement, Little a poursuivi en affirmant qu’Hisham avait entièrement inventé l’histoire, y compris les versions plus longues et la lettre de 'Urwa. Hisham a été accusé d’être un transmetteur peu fiable après son arrivée en Irak où le hadith sur sa grand-tante aurait été utile là-bas. En effet, la virginité d’Aicha au moment de son mariage et son statut d’épouse préférée de Muhammad étaient une caractéristique fondamentale des polémiques proto-sunnites contre les proto-chiites, en particulier à Koufa où ces derniers étaient dominants, et le hadith d’Hisham a dû y être très bien accueilli puisqu’il a été immédiatement incorporé dans ce matériel proto-sunnite koufan sur les vertus d’Aicha.
===Autres considérations===
===Autres considérations===
Dans son livre de 2017, Minor Marriage in Early Islamic Law, Carolyn Baugh a évoqué une explication différente au sujet du mutisme juridique médinois sur l’âge d’Aicha et la non-utilisation du hadith par de nombreux savants ultérieurs. La loi malékite était basée en grande partie sur la coutume de la communauté médinoise, bien que parfois des anecdotes sur les compagnons aient été utilisées pour faire valoir des points spécifiques. Contrairement à Little, Baugh doute de l’utilité du hadith d’Aicha à des fins juridiques.<ref>Baugh writes: "Although it is not impossible that Malik would have accepted the content of the report given early practice, Malik is one of many jurists who did not rely on the text, which does not in fact occur in any of the early books of jurisprudence except for that of al-Shafi'i and, shortly after him, 'Abd al Razzaq's Musannaf. Even later jurists such as Ibn Taymiya and Ibn al-Qayyim shy away from it, although it is used by Ibn Qudama before them. Presuming its authenticity (it occurs in Bukhari and Muslim), questions occur such as, was 'A'isha in fact compelled against her will? Can we assume that Abu Bakr did not consult her? Had she, at age nine, entered her majority or was she still prepubescent?"
Dans son livre de 2017, ''Minor Marriage in Early Islamic Law'', Carolyn Baugh a évoqué une explication différente au sujet du mutisme juridique médinois sur l’âge d’Aicha et la non-utilisation du hadith par de nombreux savants ultérieurs. La loi malékite était basée en grande partie sur la coutume de la communauté médinoise, bien que parfois des anecdotes sur les compagnons aient été utilisées pour faire valoir des points spécifiques. Contrairement à Little, Baugh doute de l’utilité du hadith d’Aicha à des fins juridiques.<ref>Baugh writes: "Although it is not impossible that Malik would have accepted the content of the report given early practice, Malik is one of many jurists who did not rely on the text, which does not in fact occur in any of the early books of jurisprudence except for that of al-Shafi'i and, shortly after him, 'Abd al Razzaq's Musannaf. Even later jurists such as Ibn Taymiya and Ibn al-Qayyim shy away from it, although it is used by Ibn Qudama before them. Presuming its authenticity (it occurs in Bukhari and Muslim), questions occur such as, was 'A'isha in fact compelled against her will? Can we assume that Abu Bakr did not consult her? Had she, at age nine, entered her majority or was she still prepubescent?"
Carolyn Baugh, ''Minor Marriage in Early Islamic Law'', Leiden: Brill, 2017, p. 43 footnote 101
Carolyn Baugh, ''Minor Marriage in Early Islamic Law'', Leiden: Brill, 2017, p. 43 footnote 101
Similarly, on p. 62 she elaborates why the legal implications of the hadith are obscure.</ref> Les juristes malékites à Médine et les juristes hanafites à Koufa n’ont pas cherché à prouver qu’un père pouvait contracter sa fille mineure vierge en mariage, qui était considérée comme acquise.<ref>In Chapter 4 she details the proof-texts used by Maliki jurists; see p. 79 regarding Hanafi jurists.</ref> Ils ont au contraire discuté du droit d’un père de la contraindre sans consultation, de savoir s’il avait toujours ce droit quand elle n’était plus vierge ou mineure, si elle avait le droit de l’annuler plus tard et ainsi de suite. En effet, contrairement à divers rapports sur les compagnons utilisés par les savants malékites et mis en évidence par Baugh, le hadith d’Aicha ne semble d’aucune utilité pour les domaines de désaccord juridique ou les points pour lesquels ils ont ressenti le besoin de prouver (voir [[Child Marriage in Islamic Law]]). Shâfi'î est le premier juriste à utiliser le hadith d’Aicha sur l'âge du mariage (et plus généralement a innové le Coran et le corpus de hadiths solides comme sources décisives du droit). Il a utilisé le hadith d'Aicha dans le but de prouver le droit d'un père à marier sa fille indépendamment de ses souhaits, bien qu'il ait dû lire dans ses propres hypothèses pour le faire (voir [[Forced Marriage]])<ref>See also the quotes in Dr Little's thesis, pp. 454-5, where Shafi'i can be seen using the hadith in an attempt to prove the right of paternal compulsion.</ref>. Les savants ultérieurs ont suivi Shâfi'î dans cet usage. Cependant, le hadith d’Aicha se contente simplement d’affirmer que son mariage a été contracté quand elle avait six (ou sept ans), et il ne précise pas si elle a été consultée ou forcée par son père, ni même si elle avait atteint la puberté à neuf ans.
Similarly, on p. 62 she elaborates why the legal implications of the hadith are obscure.</ref> Les juristes malékites à Médine et les juristes hanafites à Koufa n’ont pas cherché à prouver qu’un père pouvait contracter sa fille mineure vierge en mariage, qui était considérée comme acquise.<ref>In Chapter 4 she details the proof-texts used by Maliki jurists; see p. 79 regarding Hanafi jurists.</ref> Ils ont au contraire discuté du droit d’un père de la contraindre sans consultation, de savoir s’il avait toujours ce droit quand elle n’était plus vierge ou mineure, si elle avait le droit de l’annuler plus tard et ainsi de suite. En effet, contrairement à divers rapports sur les compagnons utilisés par les savants malékites et mis en évidence par Baugh, le hadith d’Aicha ne semble d’aucune utilité pour les domaines de désaccord juridique ou les points pour lesquels ils ont ressenti le besoin de prouver (voir [[Child Marriage in Islamic Law]]). Shâfi'î est le premier juriste à utiliser le hadith d’Aicha sur l'âge du mariage (et plus généralement a innové le Coran et le corpus de hadiths solides comme sources décisives du droit). Il a utilisé le hadith d'Aicha dans le but de prouver le droit d'un père à marier sa fille indépendamment de ses souhaits, bien qu'il ait dû lire dans ses propres hypothèses pour le faire (voir [[Forced Marriage]])<ref>See also the quotes in Dr Little's thesis, pp. 454-5, where Shafi'i can be seen using the hadith in an attempt to prove the right of paternal compulsion.</ref>. Les savants ultérieurs ont suivi Shâfi'î dans cet usage. Cependant, le hadith d’Aicha se contente simplement d’affirmer que son mariage a été contracté quand elle avait six (ou sept ans), et il ne précise pas si elle a été consultée ou forcée par son père, ni même si elle avait atteint la puberté à neuf ans.
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